J'écris une vraie lettre (et non pas un texto, WhatsApp ou Messenger) à ma saison préférée.


On a parfois plein d’idées mais un peu décousues. Comment les organiser au mieux pour en faire une troisième newsletter percutante, drôle et parfaitement géniale ? OK je m’emballe mais il faut bien un petit teasing pour vous hameçonner et tenter de vous garder avec moi jusqu’au bas de la page.
Souvent les idées viennent à nous au fil d’une citation, d’un débat lancé sur un club de lecture, d’un thème soulevé sur le groupe d’auteurs Kessel, d’une discussion autour d’un dîner d’enfants.
Si l'on a trop d’idées, c'est qu'on a trop de choix d’idées. Justement, je suis en train de traduire un article sur la paralysie du choix. Exemple très concret : je veux m’acheter un jean, je cherche sur Internet, on m’en propose 60. Trop c’est trop, je ne sais plus où regarder, je n’en veux plus je ferme ma page j’économise j’ai déjà 4 jeans et puis les trous c’est vintage.
Voici donc les sujets qui m’inspirent cette semaine, à part les jeans troués :
- L’automne et ses splendeurs timidement dévoilées sous un voile de brume et trois gouttes de rosée.
- Le mot qu’on aime le plus (ou au pluriel, sinon on ne s’en sort pas) dans la langue française.
- Les lettres manuscrites qu’on n’écrit plus.
Devrais-je faire un choix ? Ou parler de tout cela en tentant de rester cohérente ? Je vais essayer, en commençant par m’équiper :
1. d'une feuille blanche sans liste de course ou dessin du Pokémon « Tas de morve » au dos ;
2. d'un Tipp-Ex pour corriger mes fautes parce que ce n’est pas mon logiciel Antidote qui le fera pour moi ;
3. d'un joli bic pour écrire pour de vrai.
Il ne me reste qu’à m’appliquer, car des lettres, je n’en rédige quasiment plus. Quelques cartes d’anniversaire tout au plus, ou de Noël, en tirant la langue pour bien tracer les lettres, des lignes pas trop penchées et être un peu lisible.
Pourtant qu’est-ce que j’aimais en recevoir, des lettres d’amies qui nous manquent pendant les vacances, d’amoureux qu’on a quittés sur la plage en se jurant fidélité jusqu’à l’été (le mois ?) suivant.
Des lettres des parents en classe verte qui arrivent dans la grande salle avec le goûter – ou pas, quand certains desdits parents pensaient qu’on n’avait pas le droit d’écrire parce que ça rendait les enfants trop tristes… Alors on croquait longtemps dans son pain au chocolat pour ravaler ses larmes et remplacer les mots - même s’il passait plutôt mal dans la gorge - et au bout de 10 jours, l’infinité éternelle quand on n’a que 8 ans, enfin, un immeuble de lettres se dresse devant nous, gorgées de cœurs de toutes les couleurs de la culpabilité (expérience malheureusement très largement inspirée de faits réels - ça ne m'a pas dégoûtée de l'écriture, bien au contraire).
En recevoir mais aussi en écrire sur mon plus beau papier, les glisser dans une enveloppe gonflée de mille mots. Parfois je n’avais pas grand-chose à dire car souvent moins on vit plus on écrit, peut-être pour combler le vide, et parce que c’est une autre manière de parler à l’autre, si intime, et qu’une attente se crée, et que c’est bon de patienter, de savourer cet entre-temps, de savoir qu’on aura une réponse, du papier à toucher, des pages à tourner, mais pas tout de suite.
Je m’égare beaucoup trop loin dans la nostalgie du « c’était mieux avant » alors que l’automne c’est maintenant, et je vais lui écrire de mes mains* comme à un amoureux pourquoi je l’aime tant.
*Après quelques retours, le texte dactylographié suit plus bas pour le repos de vos yeux - pas forcément destiné aux flemmard(e)s donc mais pour éviter de zoomer à 250 % ou d'hésiter 15 secondes entre un f et un g :)



Automne 2022
Cher Automne,
« Mélancolie, murmure, frisson, bruissement, soupir, éphémère » : ces mots si poétiques me parlent tous de toi. Une sensuelle tristesse, que tu évoques en moi.
Mais comment te décrire sans te dénaturer, tomber dans les clichés ? Promis, je serai brève, toi qui as tant à faire, comme sublimer le monde et déchaîner tes vents. Tu sais te faire attendre, avec toi rien ne dure, et ce qui passe vite reste gravé longtemps.
J'aime sentir ta fraîcheur, écouter tes rafales et respirer ta pluie. Me perdre dans ton brouillard qui déforme les choses, transforme les regards, détourne d'un chemin. Je m'arrête soudain devant un lampadaire, un banc ou un étang qui n'en sont plus vraiment, aux contours estompés par ton pinceau brumeux.
J'envoie ces mots au ciel qui se tourmente au loin, unique feuille blanche parmi les rougissantes, j'envoie ces mots aux nuits déjà impatientes, et à l'ennui des jours qui se font paresseux (savoir s'ennuyer, c'est rêver éveillé(e)), aux nuages gonflés qui voilent le soleil.
Un jour je sentirai ta lumière dorée qui n'abîme plus les yeux, et alors je saurai que tu m'as répondu.