Immunité énergétique

Une séance de yoga énergisante pour mettre au placard les triples virus de Noël, ça vous dit ?

Pause-café
8 min ⋅ 10/01/2023

Lundi matin. 9h. J’ai 2h30 avant de récupérer les garçons pour le déjeuner. Pas de boulot ce matin = pas d’excuse pour poser mes fesses devant mon ordi sans bouger rien d’autre que les doigts et les yeux.

Inspire-expire

J’enfile mon bas de survêt’, un pull cosy parce qu’on ne met pas trop de chauffage énergétiquement consciencieusement parlant, des chaussettes fines, je déroule le tapis qui a pris chaud l’été dernier et gondole, cale mon téléphone contre le mur.

C’est parti… La douce voix de Tibo (avec un « o », oui) m’entraîne dans les limbes ouatés du yoga « Energize », oui parce qu’aujourd’hui j’ai choisi un programme dynamique, d’autres fois c’est « move and relax » ou encore « cool et soft ».

Pourant, au bout de 1 minute 30, je bâille. Je ne sais pas si c’est le prof ou ses mouvements de démarrage, ou encore la voix suave qui les accompagne : « On est en tailleur, on pose les mains sur les genoux et on bouge de droite à gauche, de gauche à droite, on arrondit le dos, on travaille sa colonne vertébrale… ».

Je connais les vidéos par cœur alors souvent je ferme les yeux et me laisse porter loin, les paroles s’effacent au profit des postures et de la musique envoûtante qui les sert à la perfection. J’aime le début et la fin. Au milieu, l’air de rien puisqu’on a commencé tout doucement, je me retrouve en équilibre, tremblant de tous mes membres : « Vos amplitudes sont personnelles, n’essayez pas de faire comme moi, c’est le yoga qui vous rend souple, pas besoin d’être souple pour faire du yoga ».

N’empêche que Tibo est un danseur, son front touche terre quand il est en tailleur les bras tendus en avant, ses jambes se plient et se déploient, en arrière, à l’horizontale, de travers, avec la grâce et l’agilité d’un félin en chasse, donc forcément lorsqu'il est debout, qu’il attrape son pied droit et lève sa gambette fine et musclée, on essaye de l’imiter parce que ça parait si facile ! Sauf que moi, je me retrouve projetée à terre, à l’agonie, les cheveux collés au front, la jambe tordue, le bas du dos coincé, mais je me relève car (pas question d’abandonner) le cours continue, et je « tends » la jambe et me tenant le mollet, à moitié bossue pour le garder ce fameux équilibre, pour se centrer, se recentrer, s’ancrer.

« N’essayez surtout pas de faire comme moi » : je t’ai entendu Tibo, ne t’inquiète pas, je n’essaierai plus. Et pourquoi je respire comme un bœuf alors que tu ne cesses de répéter « on prend de grandes inspirations, puis de grandes expirations », tout ça sur la tête, sans une once d’essoufflement ni une mini-goutte de transpi ? Et avec le sourire. Entre temps, j’ai tombé le gros pull et les chaussettes, ouvert la fenêtre qui claque et mis le chauffage sur gel.

Heureusement, la relaxation approche - après des abdos pervers de dernière minute alors qu’on venait ENFIN de s’allonger. Dans la position finale, en tailleur, pendant la micro-méditation, je me remets à bâiller frénétiquement. J’ai entendu dire que quand on bâille en voyant quelqu’un d’autre le faire, c’est qu’on est empathique. Quand on ne bâille pas, on entre dans la catégorie du psychopathe insensible. Personnellement, il me suffit d’entendre un début de bâillement pour m’arracher la mâchoire. Même là, en l’écrivant, B.A.I.L..., ça me reprend. Tibo n’a pas besoin de bâiller pour me transmettre ses ondes de détente absolue, si bien qu’à la fin du cours, lorsque je me regarde dans la glace, c’est comme si je sortais d’un massage relaxant de 3h00 (ou d’un coffee shop à Amsterdam). J’ai déjà oublié la position de l’étoile qui me fera mal aux abdos pendant deux jours, et c’est d’ailleurs parce qu’on oublie qu’on recommence - et c'est pareil pour tout dans la vie, notamment les accouchements !

Saison des Fêtes aux microbes

Bon, c’est raté pour l’Energize, je me sens totalement détendue mais pas super dynamisée. Il faut dire que novembre et décembre ont été des mois un peu « off ». Novembre, tout gris, assombri pour une amie très chère qui a traversé une rude épreuve avec tant de courage que j’avais commencé un texte sur ces forces que l’on abrite en nous, dont on n’a pas forcément conscience et qui pourtant se révèlent si ardemment dans l’adversité. Je n’ai pas trouvé les mots, comme si l’écriture ne pouvait à ce moment-là m’offrir ce refuge douillet ni ce recul sur les choses propices à la création.

En décembre, j’aurais pu rédiger une newsletter sur les joies de Noël, le sapin qu’on achète un peu tard selon les enfants, trop petit, pas assez feuillu, les sucres d’orge qu’on ne trouve nulle part (« à Copenhague - où on a vécu près de 5 ans - les décos étaient plus belles, et y en avait des sucres d’orge, et puis c’est nul la vie »), les cartes Pokémon qu’on a commandées en octobre (oc-to-bre !), sauf qu’elles sont toutes fausses et chinoises, chinoises et fausses… Mais voilà, moi qui n’avais jamais eu le Covid et me targuais d’être Robocop à l’immunité indestructible, il m’a mise à terre pendant 5 jours, et pire que tout, m’a subtilisé l’arôme chéri du café du matin et de la touche de noisette de mon lait d’avoine.

Puis c’est au tour de mon mari (Gonzague/Gonz pour les intimes/Gonzagui pour les danois) et des enfants de flancher, mais c’est la grippe, et moi je me crois à nouveau Robocop car je venais de les attraper, les microbes qui font se taper la tête contre les murs. Mais dommage, à symptômes similaires, microbes différents, ce serait moins drôle sinon : celle qui soigne, mouche, réconforte va accueillir à poumons ouverts un autre virus juste avant Noël, et il y a les cadeaux à emballer, les machines à faire tourner, les mouchoirs à jeter, les valises à boucler pour partir une semaine le fêter en famille. Au bout de deux bagages (où j’oublie l’essentiel à part les Doliprane, les paquets de kleenex et les grosses chaussettes – qui me semblent, à moi, l’essentiel absolu), me voilà en chien de fusil sur mon lit, vidée de toute énergie, n’aspirant qu’à dormir 4 jours de suite sans parler à personne.

Une fois sur place, allez, la pêche revient, insufflée par les 50 âmes de tout âge réunies pour l’occasion. On mange délicieusement car on a retrouvé le goût, les bouchons sautent (2 coupes suffisent à l’ivresse), on fait du vélo sous le soleil ardéchois… Et puis… c’est le drame. La rumeur court qu’un petit cousin ne s’est pas levé pour petit-déjeuner le 26. Le voilà qui sort de sa chambre, tout vert. Verdict : GASTRO. Covid, check. Grippe, check. Il en manquait un. Quelques heures plus tard, une autre famille est touchée.

Les huiles essentielles coulent à flots, Ravintsara, Propolis, pépins de pamplemousse, je gobe des vitamines B, C, D, Z je prends tout, je secoue les ampoules de gelée royale, je sniffe de la lavande (inspire-expire). On change de maison et quittons l’Ardèche pour la Drôme - c’était prévu, mais le timing est bon. On fuit la peste qui rend vert et mou.

Le lendemain, Gonz est à terre : fébrile, mal partout. Par « chance », ça ressemble plus à la grippe qu’à Celle-dont-on-ne-veut-surtout-pas-prononcer-le-nom. You shall not pass, sale virus sournois dégoûtant. 24 heures plus tard, il est sur pied, allez, c’était juste un petit coup de froid. On part en balade. Je galère un peu dans la montée, quoi de plus normal après deux virus et les veillées de Fêtes. Au retour, la route en lacets laisse mon estomac perplexe. Inspire-expire. J’hésite entre très faim et envie de vomir. J’opte pour très faim et engloutis un déjeuner à base de purée de patate douce (bannie à tout jamais de ma liste de plats) et autre viande en sauce + entrée bière dessert café au lait… C’est Noël après tout, les repas durent longtemps jusqu’à presque étouffement. Je m’allonge pour une sieste… et me relève en courant. Je passerai le reste de la journée la tête au-dessus des toilettes.

Le soir, entre deux mini gorgées de Coca, j’essaye de me changer les idées en regardant Harry et Meghan raconter leurs déboires, mais ça n’atténue pas la nausée (au contraire). Je commence le dernier Foenkinos, Numéro 2, l’écriture est facile, alors pourquoi je finis par m’ennuyer ? Pourquoi ai-je envie de secouer ce personnage d’éternel second tendance looser ? Un petit yoga Energize avec Tibo pour chasser les mauvaises vibes ? Je ne saurai jamais si je n’ai pas accroché parce que j’étais mal en point ou parce que ce titre - dont le thème de départ était pourtant bien choisi – n’a selon moi pas tenu ses promesses. On associe souvent un roman à l’état (psychique ou physique) dans lequel on se trouve en le lisant – et à l’endroit où on le lit -, or mes expériences livresques de décembre au fond d’un lit sous trois couvertures m’ont toutes laissé le goût amer du latte post-Covid.

On tombe les masques

Mais tout est bof qui finit bien, de retour à Croissy le 31 pour une fiesta sans microbes : on retrouve les copains expat’, on s’embrasse, on danse, on a 15 ans, on s’échange les clopes et les verres, on se déguise en poubelle, en prisonnier ou en Pervers Noël. Et puis on se couche à pas d’heure parce qu’on a trop dormi ces dernières semaines, et là, le seul besoin vital du 31 décembre c’est celui de ne pas dormir - comme ce slogan collé dans le métro en 2001 pour des vacances de débauche au village du Club Med Jeunes d’Oyyo = « Si tu dors, t’es mort ». J’avais 21 ans à l’époque, et pourtant ça me faisait déjà me sentir vieille… Aujourd’hui j’en ai deux fois plus, et même pas peur de faire une nuit quasi blanche qui finit par un plat de pâtes au gruyère et œufs durs à 5 heures du mat’. Il y a bien un âge où on arrêtera… ou pas !

Conclusion

Le yoga de Tibo fait bâiller. Les virus n’auront eu raison ni de mon Nouvel An ni de mon envie d’écrire. Alors je vous souhaite une année 2023 saine et festive, pleine de romans qui tiennent leurs promesses, d’immunité Robocop, d’énergie (pardon, d’Enerjaïze) et de bâillements empathiques.

Pause-café

Par Laurène Phélip