On a tous en nous une plume de hibou perdu, un côté de carré découragé ou un poil d'écureuil frustré.


Les albums jeunesse ne vous inspirent pas ? Ne passez pas votre chemin ! Si le but est d’en faire profiter les plus jeunes, c’est bien pour qu’ils en gardent le message en tête longtemps, dans leur vie d’adultes responsables que nous sommes bien sûr tous devenus.
Les histoires pour enfants ont une morale universelle, qu’il est parfois bon de se rappeler quand on s’oublie, quand le monde va trop vite et qu'il est plus commode de se recentrer sur soi.
J’ai fait une petite sélection d'histoires qui me touchent et dont les personnages sont tous un peu de nous.

Il y a d’abord ce hibou qui s’endort sur le bord d’une branche, avouons-le, c’est un peu risqué. Sans trop spoiler, il va tomber, et tout faire pour retrouver sa maman restée là-haut à roupiller. Il rencontre des animaux (plus ou moins avisés) qu’il invitera finalement sur sa branche maudite à boire un thé pour les remercier (là j’ai trop spoilé, ça finit bien, pardon). => On évite de dormir sur le bord (du lit), et à plusieurs on est plus forts - pas forcément dans un lit.

Un étudiant venu faire un échange linguistique (mini créature aussi inouïe qu’indescriptible) a des coutumes bien à lui - « It is a cultural thing ». Est-ce qu’Eric-au-point-pas-sur-le-i est heureux chez nous ? se demande son hôte, désemparé parce qu’il pense ne pas arriver à le comprendre ni à lui faire plaisir. Il devra attendre son départ aussi précipité qu’inattendu pour que tout s’éclaire enfin. => L'inconnu, l'étranger, dans ses différences, sa propre vision du monde et des choses de la vie, va nous révéler à nous-mêmes (parole d'expat longue durée).
« Il y a des êtres qui nous touchent plus que d'autres, sans doute parce que, sans que nous le sachions nous-mêmes, ils portent en eux une partie de ce qui nous manque. » Wajdi Mouawad

Carré pousse des pierres qu’il apporte au sommet de la montagne. C’est son métier. Le voyant faire, Cercle croit qu’il est sculpteur (la classe) et lui demande de réaliser une statue d’elle-même, pour le lendemain (un peu short, non ?). ll ne sait pas comment faire, mais il essaye, sous la pluie, dans la nuit, il se trompe, essaye encore, fait n’importe quoi mais n’abandonne pas - entre nous, il aime bien Cercle, d'où la super motivation désespérée. Alors que tout semble perdu, il va proposer malgré lui à son amie un portrait... (je ne spoile pas, achetez-le, ça s'appelle "Carré").
« Que l'importance soit dans ton regard, non dans la chose regardée. » Gide

Un grand loup a SON arbre à lui et ses habitudes de « vieux loup » : lorsqu’un petit loup débarque, forcément ça l’indispose. Parce que maintenant il doit partager ses fruits, sa couverture, son heure de sport. Sauf que quand grand loup se rend compte que finalement, il ne peut plus vivre sans le petit, il est trop tard (ou presque, mais il faut le lire pour savoir). => Lisez-le ! Un petit (grand) bijou sur l’amitié et le manque de l’autre.

2 tortues, 1 chapeau, cherchez l’erreur. L’une d’elles le veut rien que pour elle, alors elle attend que son amie tortue s’endorme tout en le reluquant en douce… Mais quand se fait le silence, elle entend le rêve de l’autre tortue , et ce rêve, c’est que toutes les deux ont un chapeau sur la tête. Elle se détourne alors de l’objet convoité et ferme les yeux à son tour pour retrouver son amie dans la nuit où tout est permis. => Mieux vaut un rêve pour deux qu’un chapeau sur une seule tête.

Notre petit pingouin n’est jamais content. Il fait trop froid, trop nuit, il ne sait pas voler, se fait chasser par des orques affamés, son père ressemble à sa mère qui ressemble à son cousin, en somme la vie est nulle. Un morse philosophe va tenter (en sortant les rames bien comme il faut) de lui remonter le moral en lui faisant prendre conscience que l’on se crée soi-même son propre bonheur. Spoil : ça ne va pas marcher, mais presque.
«Vous voyez l'ombre et moi je contemple les astres. Chacun a sa manière de regarder la nuit. » Victor Hugo

Enfin, un écureuil un peu frustré se rêve tout, SAUF écureuil. Il va tenter de devenir « d’autres », des gros des petits des majestueux des discrets, avant de réaliser que chacun a ses problèmes, que rien n’est facile, mais qu'on doit faire avec.
« Toutes les choses ont leur beauté, mais tout le monde ne sait pas les voir. » Andy Warhol
Avez-vous trouvé le vrai point commun à tous ces animaux, formes géométriques, flamme noire bizarroïde ? Indice : sont ces deux billes plus ou moins rondes qui m’ont appelée quand je suis un jour passée devant eux. Dans leurs yeux, tout se lit dès la couverture, pas besoin de feuilleter, on a juste envie de découvrir ce qui se cache derrière – même si en réalité ils disent tout dès le départ.
C’est sans doute la raison pour laquelle j’ai un coup de cœur pour Ariol et ses lunettes quadruple foyer. Sous les verres, un regard parfois agacé, énervé, fourbe avec sa mamie Asine qu’il manipule autant qu'il l'aime mais aussi et surtout sensible, amoureux, déçu, au fond du gouffre, à nouveau plein d’espoir. Voici ce qu'il aurait pu dire à Pétula, sa vache adorée - et que je cite au passage parce que je trouve ça tellement vrai, tellement beau.
« Que m'importe le jour ? Que m'importe le monde ? Je dirai qu'ils sont beaux quand tes yeux l'auront dit. » Ariol (Alfred) de Vigny

Ce petit âne bleu, c’est l’enfant que l’on a tous été un jour, avec un prof super coucoule, un meilleur ami un peu énervant sans lequel la vie serait plate, le/la chipie de service dans la cour de récré, un cœur qui saigne d’amour, un tonton cow-boy, une mamie gâteau, un héros (Le Chevalier Cheval, moi c'était Roch de son nom Voisine) punaisé aux murs et gravé dans la peau.
Ce n'était pas de la pub, mais croyez-moi, ces albums (et tant d'autres) ont plus d'un pouvoir, dont celui devenu trop rare de rallumer nos âmes d'enfants.
